Il s’agit d’une inscription sur une maison de Grosset.
Mathilde Moyne est née à Cuiseaux en 1823 d’un père notaire. Son grand-père était peintre pour les tsars de Russie, elle est l’héritière d’une immense fortune.
Elle se marie à l’âge de 17 ans à un dénommé Roland, négociant de Lyon, veuf et de 27 ans son aîné. Ils quittent Cuiseaux rapidement pour la Russie. Il semblerait que son époux soit décédé pendant le voyage. Mathilde se retrouve veuve et enceinte peu de temps après son mariage, mais héritière…
A la cour de Russie, elle baigne dans un certain luxe et vit du commerce de la fourrure et des bijoux. Comme tous les personnages atypiques, des rumeurs se sont établies sur sa vie : elle aurait été l’avorteuse officielle de la Cour…
Quelques années plus tard, elle rentre en France et s’installe à Paris. Là aussi, tous les bruits ont couru : maîtresse d’homme politique, visiteuse de catacombes…
A 42 ans, elle revient à Cuiseaux dans la maison familiale avec son père qui décèdera presque aussitôt.
Elle semble passer son temps à gâcher la vie des personnes qu’elle ne porte pas dans son cœur. Elle abonne par exemple gratuitement au journal l’un de ses fermiers habitant une maison lointaine, avec l’unique raison d’irriter le facteur, qu’elle n’aime pas.
Son attitude impressionne autant qu’elle agace. Mathilde se plaît en effet à aller contre les «bonnes mœurs».
C’est ainsi qu’elle entretient une liaison avec Albin Lombard, 17 ans plus jeune qu’elle. Il était un ami de son fils qui s’est suicidé.
Elle le faisait passer pour son fils adoptif mais les habitants de Cuiseaux disaient de lui qu’il est « son amant, son domestique, son chien ».
Entre-temps, Albin épouse en 1872 une riche héritière dont il divorce bien rapidement… le tout avec l’accord de Mathilde.
Ensemble, ils vont gérer le patrimoine dont Mathilde avait hérité : à Cuiseaux, à Dommartin et chez nous, à Grosset.
Elle affichait clairement ses idées sur les façades de ses propriétés où elle faisait graver dans la pierre des linteaux diverses formules arrogantes.
Mathilde expose son anticléricalisme sans gêne, à une époque où l’Église est encore très sacrée aux yeux de la société. Sur les murs des différentes fermes qu’elle possède, on peut lire des inscriptions très provocatrices.
A Grosset, elle est restée plus délicate : « Vive la République 1792-1848-1870 Mathilde Moyne Roland » …
1792 pour la Révolution, 1848 pour la Révolution dite de Février, avec la proclamation de la seconde République, et 1870 pour la révolte des Communards à Paris. Les communards sont ceux qui ont participé aux événements de Paris. La plupart sont ouvriers ou employés, ils sont républicains partisans du socialisme, et d’une autonomie absolue des communes de France, voire de l'anarchie. Ils soutiennent la séparation de l’Église et de l’État.
Pour revenir à sa ferme de Grosset, un jour de 1894, un petit garçon est né. Lorsque qu’elle est allée le voir, elle lui dit qu’il avait intérêt à être révolutionnaire plus tard, sinon il aurait affaire à elle…
Son père, son grand-père n’étaient pas moins sage qu’elle. Son oncle non plus d’ailleurs : en tant que prêtre, il s’est fait remarquer par sa vie dissolue. Il dansait au cabaret, s’était marié… Mathilde était autant excentrique que lui.
Elle décède en 1911. Elle se fait enterrer aux côtés de son chien, nue dans les fourrures qu’elle avait ramenées de Russie. Cet enterrement civil réunit peu de monde.
Un très grand merci aux différents propriétaires de cette maison qui m’ont autorisé à photographier et publier cette inscription, et qui m’ont raconté un peu de son histoire…